La guerre du Code du Travail n’aura pas lieu |
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Mardi, 23 Mai 2017 00:00 |
Mais on va donner spectacle pour distraire et impressionner l’électeur
Ce devait être la réforme majeure, capable de donner un nouvel élan aux entreprises françaises, de libérer le marché du travail et résorber le chômage. Le défi était tel que le Président devait jouer de son intelligence et de sa diplomatie pour le relever, dès aujourd’hui il se devait de rencontrer (un par un) leaders patronaux et syndicaux. Les rencontres auront bien lieu, mais rien ne sera changé de ce qui aurait pu l’être : 1° Les accords d’entreprise auraient pu être prioritaires sur les négociations de branche ; 2° La durée légale du travail hebdomadaire et le SMIC auraient pu être supprimés ; 3° Les instances représentatives du personnel auraient pu être regroupées ; 4° Le coût et les conditions du licenciement auraient pu être précisés.
Dans la première version de la réforme (Macron lui-même), les négociations au niveau des entreprises seraient la règle partout où les syndicats étaient représentés (délégués du personnel ou comités d’entreprises). Pour les TPE et PME où la représentation du personnel n’est pas assurée, c’est au niveau de la branche que se nouerait l’accord. Dans une version plus récente (Castaner, porte-parole) la solution pour les TPE et PLE a changé : pas de négociation de branche, mais des syndicalistes venus d’autres entreprises représenteraient le personnel pour négocier les accords. Ainsi a-t-on évité ce qui inquiétait le plus les centrales : être absentes des accords d’entreprise parce qu’elles n’ont pas assez de personnel qualifié pour négocier, ce qui explique leur préférence pour les négociations de branches. D’autre part, si les accords peuvent porter sur la durée du travail, ils ne peuvent déroger à la règle des 35 heures, qui sert de base pour le calcul des heures supplémentaires exonérées d’impôts (disposition Sarkozy) ; les accords ne concernent que des aménagements d’horaires. De même il n’est pas question de discuter des taux horaires en dessous de celui du SMIC, qui demeure. Enfin on renoncera à fusionner en un seul organe les diverses représentations du personnel : représentants du personnel, des syndicats, comités d’entreprises, CHSCT. Evidemment on est bien loin d’une réforme libérale qui impliquerait la possibilité de contrats de travail individuels, la liberté des salaires et des horaires, les clauses de durée et de rupture des contrats et des tribunaux de droit commun pour juger les conflits. Mais toute réforme libérale se heurte au mythe de la lutte des classes. Finalement, les syndicats n’ont donc rien à craindre : après avoir redouté leur éviction de l’entreprise – ce que souhaite une large majorité de salariés et d’employeurs, ils récupèrent voire étendent tous les moyens de pression et tous les privilèges qu’ils ont actuellement. On comprend donc pourquoi Mailly (FO), pourtant moins conciliant que Berger (CFDT), a pu évoquer « des marges de manœuvre ». On comprend plus mal pourquoi le patronat institué tient Emmanuel Macron pour « Président des entreprises », titre volontiers repris par les médias, ni pourquoi François Asselin président des PME soutient ouvertement le Président. Cependant le bon peuple aura droit à son spectacle, au moins jusqu’au 11 juin. François Mailly a précisé qu’il ne se contenterait pas de discussion, mais voulait une vraie concertation, avec tout le temps voulu. L’Elysée en convient : il faut prendre le temps de rassurer les électeurs sur l’issue d’une guerre qui n’aura pas lieu. |